Autres

Marion Albouy : l’exposome comme empreinte, la prévention comme révolution

Publié le 18 Novembre 2022
A+ A-
Depuis peu, Marion Albouy a la responsabilité du service de santé publique avec ses 5 unités et sa plateforme la Vie la Santé

Marion Albouy est médecin, enseignante à l’université de Poitiers, chercheuse en promotion de la santé environnementale dans le Laboratoire Ecologie Biologie des interactions (EBI) CNRS UMR7267 et au CIC1402 Inserm et, depuis peu, responsable de la plateforme « Vie la Santé » du CHU de Poitiers. Portrait d’une femme qui partage, s’engage, questionne, notamment les déterminants socio-environnementaux et dont le grand défi en matière de santé publique est de sortir des logiques biomédicales et curatives pour repenser la santé en lien avec un environnement global.

« Jeune étudiante en médecine, j’ai eu l’occasion d’examiner un patient avec une maladie chronique respiratoire. Il n’avait pas intégré la bonne utilisation de son traitement inhalé. J’ai compris ce jour-là que la médecine ne pouvait se résumer à une prescription. Et puis en 2003, il y a eu la canicule. La France suffoquait, j’effectuais ma dernière année d’externat en gériatrie, nous avons été confrontés à un afflux de personnes âgées déshydratées, on comptait les morts. Il n’y avait pas eu de vigilance sociétale. A l’époque, il n’y avait pas le plan canicule adopté aujourd’hui » se souvient Marion Albouy, précisant : « ces 2 événements ont été fondateurs dans mes choix d’orientation, avec cette prise de conscience que nos comportements certes, mais aussi notre environnement, agissent sur notre santé. »

Par la suite, Marion Albouy a choisi un parcours de prévention de terrain au centre d’information et de dépistage anonyme et gratuit du VIH (CIDAG) puis en protection maternelle infantile (PMI). Persuadée que la recherche pouvait aider, elle s’est orientée vers un Master II en promotion de la santé, puis un doctorat en épidémiologie dans une unité InSERM à Paris, et se lance dans un doctorat en santé environnementale sur l’exposition prénatale hydrique aux perturbateurs endocriniens dans une équipe CNRS.

Elle décroche en 2014 un projet de recherche interventionnelle en santé des populations sur la question des perturbateurs endocriniens (PREVED : Prevention, Pregnancy, Endocrine Disruptor) dans une perspective interdisciplinaire de santé publique, associant diverses compétences scientifiques : psychosociales, épidémiologiques, sociologiques et économiques. Il s’agissait d’évaluer l’efficacité d’un programme de prévention prénatal afin de faire évoluer connaissances, attitudes et comportements et de diminuer l’exposition aux perturbateurs endocriniens des femmes enceintes.

« C’est le début de One Health finalement, on entendait parler des micro-penis des alligators en Floride, on commençait à étudier les liens, les impacts de l’environnement sur la santé. J’ai eu envie d’agir… j’ai créé PREVED qui a duré 8 ans ». Ce projet très global a recruté 268 femmes au début de leur grossesse puis les a suivies jusque un an après l’accouchement. Cette étude a permis de montrer que ce qui fonctionnait en matière éducative était un « processus par étape, et que des facteurs comme un discours non anxiogène, le partage d’expériences, ou encore le développement d’un esprit critique pouvaient être efficaces. » Les résultats de l’étude ont été publiés en décembre 2021.

Investie, Marion Albouy n’hésite pas à multiplier ses responsabilités. Depuis peu, elle a la responsabilité du service de santé publique avec ses 5 unités et sa plateforme la Vie la Santé. Cette maison, inédite en France, de promotion de la santé a été imaginée par Virginie Migeot, à partir des modèles de Whitehead et de la salutogénèse, et a été conçue comme une maison d’habitation afin de contextualiser l’accompagnement. La Vie la Santé propose des ateliers collectifs créateurs de santé sur l’activité physique adaptée (APA), l’alimentation, la gestion des émotions, l’adaptation des activités quotidiennes, la santé environnementale et la santé sexuelle.

C’est également une plateforme de recherche interventionnelle. Marion Albouy souhaite pour les 5 prochaines années y acculturer tous les professionnels de santé à la santé environnementale pour intégrer cette notion dans tous les parcours et développer la prévention à travers deux projets en cours avec le centre de recherche sous la cognition et l’apprentissage (CeRCA). Le premier projet, Stim’CoAps, a pour objectif de mesurer l’apport du lien social créé lors des ateliers proposés par les différentes structures d’accueil de notre territoire chez les seniors, dans l’optique de lutter contre le vieillissement cognitif. Le second projet, STEREOBES, a pour objectif de proposer des ateliers de remédiation de la menace du stéréotype à destination des patients ayant une obésité morbide.

Ce deuxième projet tient particulièrement à cœur à notre chercheuse, qui souhaite développer le concept de psycho-exposome : « Tout au long de notre vie, dans un environnement qui nous est propre, nous sommes exposés à une multitude de facteurs – chimiques, physiques, biologiques, psychosociaux et même esthétiques – qui définissent notre exposome. Si la notion d’exposome a été initialement proposée en lien avec la pollution des milieux, on a occulté la psychologie sociale dans la santé environnementale. Or cette dimension sociale et comportementale doit être prise en compte. Il y a très peu de publications sur ce sujet que je souhaiterais particulièrement développer en France. »

www.chu-poitiers.fr

ebi.labo.univ-poitiers.fr

Les articles suivants peuvent vous intéresser