Air intérieur

Fabien Squinazi : « Il faut insister pour que la qualité des environnements intérieurs soit considérée comme un fil conducteur dans l’acte de construire ou de rénover »

Publié le 14 Janvier 2022
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Fabien Squinazi

L’ARS Nouvelle-Aquitaine, dans le cadre de sa stratégie régionale santé environnement petite enfance, a publié en 2020 l’édition d’un second guide de recommandations dédié aux crèches à bâtir ou à rénover « RecoCrèche 2 : Bâti-Réno ». Entretien avec l’un des membres du comité de pilotage, Fabien Squinazi, ancien directeur du Laboratoire d’hygiène de la ville de Paris, membre du Haut Conseil de la santé publique.

De quelle manière avez-vous perçu, dans votre parcours de médecin biologiste, la montée en puissance des préoccupations de santé-environnement dans l’habitat ?

J’ai commencé ma carrière dans un hôpital de la région parisienne au moment où apparaissaient les infections nosocomiales dues à des bactéries multirésistantes aux antibiotiques. Au début des années 80, j’ai quitté l’hôpital pour la mairie de Paris.  Je suis passé ainsi de l’environnement hospitalier à l’environnement urbain. Dans les lieux de la petite enfance, il y avait aussi clairement une orientation autour des risques infectieux (ORL, bronchites, gastroentérites, otites…). Dans les années 90, c’était encore le sujet prédominant ainsi que les risques liés à l’eau (légionellose). Dans les années 2000, on commençait alors tout juste à aborder la qualité de l’air dans les environnements intérieurs (QAI). J’ai participé aux premières études sur la pollution chimique dans les crèches, associée au transfert des polluants extérieurs. A la fin des années 2000 un autre sujet est arrivé : la prise en compte de la pollution des sols lors de la construction d’établissements de la petite enfance. Aujourd’hui, on évolue vers la notion d’habitat favorable à la santé au sens large mais il reste beaucoup à faire en termes concrets.

En quoi ce guide « Bâti-Réno » vous a t-il motivé?

J’ai répondu présent à la proposition de Claire Morisson, qui a mis en place cette Stratégie Régionale Petite Enfance au sein de l’ARS NA, pour participer au comité de pilotage, tout d’abord parce que je connaissais l’importance de ses travaux et parce que cette question du bâti sain est prioritaire pour moi. Ce que j’apprécie particulièrement dans la méthode d’élaboration du guide, c’est qu’il est construit sur des constats de diagnostics terrains. Anne Lafourcade, ingénieur chimiste qui a conçu le guide, est une femme de terrain, elle fait de nombreux audits dans les établissements. Moi, je suis un homme de laboratoire, même si j’ai vite pris le goût d’en sortir ! Par expérience, je me suis rapidement aperçu que les observations in situ m’apprenaient énormément. Le guide n’est pas uniquement académique, c’est un guide du « vécu ». Il est construit de manière très pratique avec des fiches métiers où chaque acteur a sa feuille de route, de l’élu au maitre d’œuvre, et des fiches pratiques (auxquelles j’ai participé) point par point pour n’oublier aucune source de pollution potentielle. Ces fiches sont déclinées par thèmes : on choisit un thème, on essaie de le comprendre et d’agir. C’est une vision globale, très large des enjeux environnementaux qui concernent les liens entre structures de la petite enfance et santé.

Aujourd’hui, dans ces questions de bâtiment sain, sur quoi est-il important de focaliser ?

La ventilation ! Pour éviter l’accumulation des polluants intérieurs dans un environnement confiné. Il faut insister pour que la qualité de l’air intérieur et la qualité environnementale du bâtiment soient considérées comme des fils conducteurs dans l’acte de construire ou de rénover, sans oublier l’exploitation du bâtiment, la manière d’y vivre. Ce devrait être le principe de base. C’est de mieux en mieux compris. De multiples polluants chimiques peuvent se trouver dans les matériaux de construction, l’ameublement, les produits de décoration ou les produits ménagers dont l’étiquetage est souvent difficile à comprendre si l’on n’est pas chimiste.  Les connaissances sur les expositions sont encore fragmentaires, notamment au niveau des interactions entre polluants. Autrefois, on parlait de substances CMR, aujourd’hui, on parle de perturbateurs endocriniens, de cocktail de polluants dont l’impact sanitaire est encore difficile à identifier. Les acteurs du bâtiment ont compris cet enjeu de santé, car il s’agit pour eux également d’un enjeu de marché. Lorsque l’étiquetage sur les matériaux a été obligatoire, le jeu de la concurrence a eu un effet positif : tous sont passés en produits étiquetés A+ pour leurs faibles émissions. Cela dit, la recherche des polluants intérieurs reste fondamentale et il est important de cultiver le savoir habiter. De nombreux progrès restent encore à faire pour réduire la pollution intérieure.

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