Risques émergents

André Cicolella : « Il faut bannir les perturbateurs endocriniens »

Publié le 05 Mai 2017
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Il faut une révolution de la santé ©GRAINE Aquitaine

Chimiste et toxicologue, conseiller scientifique à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques- INERIS, enseignant à Sciences Po, et président du Réseau environnement santé (RES), André Cicolella fait partie de ceux que l’on nomme des « lanceurs d’alerte ». Ces personnes ou groupes de personnes incitent les industriels et les pouvoirs publics à prendre des mesures en matière de santé environnementale. On doit à André Cicolella, entre autres, l’interdiction du bisphénol A dans les biberons. Sa conviction : lorsque les études scientifiques montrent un faisceau d’éléments concordants indiquant des atteintes à la santé, il faut agir. Rencontre autour de la question des perturbateurs endocriniens.

Quel est l’état des connaissances scientifiques sur l’impact des perturbateurs endocriniens sur notre santé ?

Nous avons de plus en plus de preuves scientifiques de l’impact des perturbateurs endocriniens (PE), sur notre santé, notamment comme explication de l’évolution des maladies chroniques. En 2011, l’Organisation Mondiale de la Santé a parlé « d’épidémie des maladies chroniques ». Les PE ne sont pas la seule cause, mais sont impliqués, on le sait, dans les cancers hormonaux, les troubles du comportement, l’obésité, le diabète et les maladies respiratoires. L’autre point important est l’effet transgénérationnel. La France n’échappe pas à cette épidémie. Il y a des variations régionales importantes.

Qu’est-ce qui ressort en Nouvelle-Aquitaine ?

Selon une étude de l’Institut National de Veille Sanitaire publié en 2014, la baisse de la qualité du sperme est une tendance qui n’épargne aucune région mais touche particulièrement en premier l’ex-Aquitaine, suivie de près par l’ex-Midi-Pyrénées, deux régions viticoles exposées aux perturbateurs endocriniens via certains pesticides. La concentration du sperme a également subi une baisse continue, pour atteindre les 30%, selon une étude portant sur la période 1989-2005. De plus, en 10 ans, l’ex-Poitou-Charentes est arrivé en première place en matière de progression du diabète. Des statistiques alarmantes au sujet desquelles le prochain PRSE3 sera un levier d’actions.

Quelles sont les préconisations ?

Il faut une révolution de la santé ! Comme à la fin du 19ème siècle, lorsqu’on a fait reculer les grandes maladies infectieuses, c’est aujourd’hui sur l’environnement qu’il faut agir. Les PE sont présents dans l’environnement domestique : cosmétiques, produits d’entretien mais aussi les produits de santé, par exemple les poches plastiques souples utilisées à l’hôpital pour les transfusions, notamment auprès des prématurés et des dialysés. Le constat est accablant, mais la bonne nouvelle, c’est qu’on peut agir ! « En premier lieu, ne pas nuire », conformément au serment d’Hippocrate… Les établissements de santé doivent être exemplaires. C’est un changement de culture qu’il faut accompagner. Même si on n’a pas identifié toutes les sources, les grandes familles de perturbateurs endocriniens sont identifiées. Il faut maintenant bannir ces substances. Il s’agit de financer la recherche, de former les professionnels de santé, de faire passer des messages de prévention… Pionnière, la France a été la première à se doter d’une Stratégie Nationale Perturbateurs Endocriniens et doit continuer à exercer ce leadership en adoptant très rapidement sa 2ème phase. Elle porte également le sujet au niveau européen pour que soit enfin adoptée une définition réglementaire des perturbateurs endocriniens.

www.reseau-environnement-sante.fr

Stratégie Nationale Perturbateurs Endocriniens (SNPE) :

http://social-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/article/perturbateurs-endocriniens#La-strategie-nationale-sur-les-perturbateurs-endocriniens

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