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Pourquoi certains tombent malades et d’autres pas : une vision décloisonnée avec les déterminants de santé

Publié le 16 Mai 2014
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Une représentation des déterminants, le schéma en arc-en-ciel de Dahlgren et Whitehead

Les déterminants de santé sont non seulement nombreux et complexes mais ils procèdent d’interactions tout aussi nombreuses et se manifestent par des différences dans la vulnérabilité à la maladie. Qu’est-ce qui se cache exactement derrière ce concept ? Décryptage avec Jeanine Pommier, enseignant-chercheur à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique de Rennes.

Comment définir les déterminants de santé ?

J’aimerais citer cette histoire toute simple, extraite du deuxième rapport sur la santé de la population canadienne, qui reflète la complexité des facteurs globaux ou des conditions qui déterminent la bonne ou mauvaise santé : « Pourquoi Éric est-il à l’hôpital ? Parce qu’il a une grave infection à la jambe. Pourquoi a-t-il cette infection ? Parce qu’il s’est coupé gravement à la jambe et qu’elle s’est infectée. Mais pourquoi cela s’est-il produit ? Parce qu’il jouait dans le parc à ferraille près de l’immeuble où il habite, et qu’il est tombé sur un morceau d’acier tranchant qui s’y trouvait. Mais pourquoi jouait-il dans un parc à ferraille ? Parce que son quartier est délabré. Mais pourquoi habite-t-il ce quartier ? Parce que ses parents ne peuvent se permettre mieux. Mais pourquoi… ». Cet exemple est très parlant, il faut bien comprendre que la santé est influencée par différents facteurs à la fois personnels (génétique, biologique) mais aussi d’autres facteurs d’ordre social et économique, en interdépendance avec l’environnement physique et social et les habitudes de vie. Ce ne sont pas des éléments linéaires mais bien un ensemble qui se caractérise par des interactions complexes. Les déterminants de la santé n’agissent pas isolément : c’est la combinaison de leurs effets, en tant que « déterminants de la santé », qui influe sur l’état de santé. Il n’y a donc pas de déterminisme et l’impact des différents déterminants peut se modifier dans le temps. La tendance aujourd’hui, c’est de considérer les premières phases du développement de l’enfant comme un déterminant puissant de sa santé pour l’avenir (et même en amont, lors de la grossesse). Beaucoup de choses se jouent à ce niveau-là.

Existe-t-il une liste de déterminants ?

Il existe différents modèles, mais je me réfère souvent au schéma en arc-en-ciel de Dahlgren et Whitehead, découpé en 4 niveaux qui interagissent ensemble. Il y a le cadre de base (sexe, âge, constitution) lié aux 4 niveaux :

– les facteurs liés au style de vie personnel (activité physique, alimentation, consommation de substances, alcool, tabac,…)

– les réseaux sociaux et communautaires (la présence ou l’absence d’un soutien mutuel dans le cas de situations défavorables et la solidarité en général)

– les facteurs liés aux conditions de vie et de travail (accès au travail, aux services, aux équipements essentiels : eau, habitat, services de santé, nourriture, éducation mais aussi les conditions de travail)

– les facteurs liés aux conditions socio-économiques, culturelles et environnementales.

Il n’y a pas systématiquement de hiérarchie entre les différents déterminants par rapport aux conséquences sur la santé. Les actions les plus efficaces demandent une action à tous les niveaux, d’où la complexité. Quand on se réfère à ces déterminants, la question santé-environnement, dans la perspective sociale et physique est toujours présente et ce sont aussi des leviers pour l’action.

Comment la France a-t-elle intégré ce concept de déterminant de santé dans ses stratégies, son approche de la santé ?

Il faut changer notre vision par rapport à la santé. Nous sommes encore dans une approche trop biomédicale. On part des problèmes de santé pour résoudre les problèmes. La santé, ce n’est pas l’absence de la maladie, c’est aussi le bien-être, la qualité de vie en lien avec l’environnement. Comment, dans les territoires, pouvons-nous travailler ensemble pour créer plus de bien-être? Il existe une réflexion sur les évaluations d’impact sur la santé dans toutes les politiques publiques,  mais je pense qu’il faut encore réfléchir à une gouvernance intersectorielle efficace.

www.inpes.sante.fr/10000/themes/ISS/determinants-sante.asp

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