La Rochelle mise sur la mobilisation sociale pour lutter contre le moustique tigre

Cette année, nous avons mis l’accent sur l’animation d’un réseau d’ambassadeurs au sein des jardiniers des jardins familiaux et des représentants des comités de quartiers de La Rochelle
La saison du moustique tigre a commencé. Les communes sont les premières interpellées quand arrive l’envahisseur. On le sait désormais, le combat doit être mené à la fois dans les espaces publics mais aussi dans les espaces privés. Comment sensibiliser, informer, pour agir au plus vite sur la phase larvaire ?Rencontre avec Mathieu Planchenault, responsable du Service Communal d’Hygiène et de Santé de la ville de La Rochelle.
Comment avez-vous commencé votre stratégie autour du moustique tigre ?
La ville de la Rochelle a été déclarée « colonisée » en 2022. Le Moustique tigre est devenu une priorité, inscrite dans l’axe santé-environnement de notre CLS*Contrat Local de Santé qui couvre 28 communes, un cadre qui permet d’enrichir nos actions et de fédérer de multiples partenaires.
Nous nous sommes orientés dans un premier temps vers la formation de binômes avec un élu et un agent de la collectivité qui gère les espaces publics, que ce soit les parcs et jardins, les cimetières, les bâtiments publics, mais aussi les agents d’accueils. Quatre formations ont été animées par le Conseil départemental de Charente-Maritime, l’opérateur désigné par l’ARS*Agence Régionale de Santé pour la surveillance du moustique tigre.
Dès 2023, ces référents ont pu évaluer la vulnérabilité de leur commune, identifier les sites sensibles et commencer la neutralisation de gites larvaires potentiel : nettoyage des chéneaux des bâtiments publics, mise à disposition de sable dans le cimetière pour les soucoupes et vases, etc.. La Ville informe également les services et structures en lien avec l’aménagement (urbanisme, CAUE*Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement, aménageurs, etc.) Mais la suppression des petits points d’eau favorables au moustique tigre doit être menée également dans les espaces privés.
Quels sont les axes de votre stratégie sur la mobilisation sociale ?
Nous avons actionné différents moyens pour initier la veille citoyenne : la communication, avec des articles de presse, sur les réseaux sociaux, de l’affichage dans les cimetières, des stands (RDV au jardin, festival, fête de la science ..), des réunions publiques, conférences… Peu de personnes ont assisté aux réunions publiques et conférences en présentiel, mais les vues des replays sont significatives.
Cette année, nous avons mis l’accent sur l’animation d’un réseau d’ambassadeurs au sein des jardiniers des jardins familiaux et des représentants des comités de quartiers de La Rochelle. Cela vient appuyer une démarche qui vise à supprimer les récupérateurs d’eau pluviale non conformes sur les 3 ans à venir. Ce sont des rencontres de 2 heures avec 1h d’échanges sur les connaissances et les idées reçues concernant les moustiques puis 1h à déambuler dans les jardins pour identifier des lieux de ponte du moustique tigre, et pour mettre en place les actions de prévention adaptées. Une quinzaine de personnes était présentes. Cinq rencontres sont prévues en mai-juin et cinq autres seront programmées en automne. Celle du 16 mai dans les jardins de Vaugouin a réuni une quinzaine de personnes.
En parallèle, des élèves de l’école du quartier ont suivi un parcours de 4 séances avec la Ligue de Protection des Oiseaux et deux jeunes volontaires en service civique autour de la biologie, de l’écologie du moustique, une sortie école dehors autour d’une mare pédagogique pour comprendre l’importance de la biodiversité. Ils ont rejoint le groupe dans les jardins familiaux, dans le cadre d’une sortie scolaire, pour les sensibiliser « Aux bons gestes à adopter ». Dans ce parcours, la quatrième séance est une restitution avec un exposé devant les parents où nous distribuons une check-list des bons gestes et un quiz à faire en famille à la maison.
Les résultats de ces accompagnements sont toujours difficiles à évaluer, quels sont les premiers retours ?
En terme d’acculturation, les habitants ne découvrent pas le sujet. Mais ils sont davantage préoccupés par la nuisance que par les aspects sanitaires. Le risque de maladie reste une problématique lointaine. Nous avons mis en place une étude avec le Conseil Départemental sur 4 zones (avec et sans sensibilisation pour la mobilisation sociale), sur le même modèle qu’à Poitiers, afin d’évaluer les moyens de lutte les plus efficaces. Nous aurons les résultats en novembre.
Vous réfléchissez également à la notion de risque ?
Un des enjeux du CLS*Contrat Local de Santé, c’est de faire en sorte que les communes aient un scénario formalisé au sein de leur Plan Communal de Sauvegarde, pour une gestion adaptée en cas de cas importé(s)/autocthone(s)/ ou d’épidémie. Nous travaillons à une stratégie globale de communication. Le moustique tigre est à appréhender au même titre qu’une inondation ou une tempête. Nous organisons des exercices en cas de tempête. On pourrait imaginer faire la même chose sur le moustique tigre, avec le risque d’un foyer endémique de chikungunya. Cela permettrait également de communiquer auprès du grand public.
A La Rochelle, nous avons des enjeux forts, notamment autour de l’usage des pesticides et des risques associés pour la santé et l’environnement. Si des cas autochtones étaient déclarés, il y aura très probablement la nécessité de réaliser des traitements. On peut s’attendre à une levée de bouclier. Il faut comprendre le contexte sanitaire, la nécessité d’agir préventivement et de manière collective. Cette conquête du moustique tigre est aussi un marqueur du réchauffement climatique, de l’urbanisation galopante, d’une crise de la biodiversité, tant l’insecte s’adapte promptement à nos habitats.
La lutte contre le moustique tigre doit s’inscrire dans la démarche One Health*« Une seule santé » est une approche intégrée de la santé qui met l’accent sur les interactions entre les animaux, les humains et leurs environnements.. La Rochelle a signé la charte Ville Sans Perturbateurs endocriniens et fait partie des Villes-Santé. L’usage des traitements biocides doit être le dernier recours.
Vous souhaitez en savoir plus sur cette thématique ?
Consultez le site Agir-ese.org, des ressources pour agir en Éducation et promotion de la Santé-Environnement.