Aude Thomet : inscrire la santé-environnement dans l’ADN territorial
Aude Thomet, chargée de mission au pôle santé du Centre Communal d'Action Sociale de Poitiers
Quand on l’interroge sur la santé-environnement, Aude Thomet, chargée de mission au pôle santé du Centre Communal d’Action Sociale de Poitiers, est intarissable. Certains mots reviennent comme des sésames : échanger, fédérer, essaimer… En poste depuis 8 ans, elle ne cesse de bousculer le présent pour préparer l’avenir. Avec en ligne de mire une nouvelle réponse aux défis sanitaires, indissociable aujourd’hui d’un modèle de développement innovant.
Construire un réseau
Après quelques années passées aux cotés de Médecin Sans Frontières, en Afrique Aude Thomet s’est ancrée à Poitiers en 2018. Un nouveau terrain d’opération pour une nouvelle mission : investir le champ de la santé-environnement et diffuser cette dernière au sein de la collectivité. Son poste est financé à 100% par la collectivité, ce qui est une volonté politique forte. Il s’agissait également de promouvoir sur le territoire l’axe santé-environnement au sein du CLS*Contrat Local de Santé de Poitiers, avec pour étendard, un engagement optimiste, déterminé, loin des peurs et de l’écologie punitive. L’enjeu majeur : construire le réseau sur le territoire et embarquer des partenaires.
« Le contexte était très favorable : le CLS*Contrat Local de Santé 2eme génération venait d’être signé, le PRSE*Plan Régional Santé Environnement 2 dessinait un cadre d’action, et une EIS*Une Evaluation d’Impact sur la Santé est un outil promu par l’Organisation Mondiale de la Santé qui permet d’évaluer les effets négatifs et positifs des politiques publiques sur la santé. démarrait autour de la réhabilitation d’un groupe scolaire d’un Quartier Politique de la Ville. Cette EIS, pionnière, a servi de locomotive, d’inspiration pour l’ensemble des services, en donnant à la santé-environnement toute son importance stratégique. La Ville de Poitiers a pris en compte les déterminants de santé de longue date. La démarche Santé environnement a permis de d’essaimer progressivement au sein d’autres directions de la collectivité pour développer l’approche globale de la santé, qui évite de la réduire au strict fait de « ne pas être malade ».
Une mixité de partenaires
Les partenaires s’enchainent au fil des projets : le CHU*Centre Hospitalier Universitaire, les laboratoires de recherches de l’Université, le rectorat, le CPIE*Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement, ATMO*Association pour la surveillance de la qualité de l’air et l’APSF*Association des Pollinariums sentinelles de France pour le pollinarium sentinelle, les réseaux d’assistantes maternelles pour chasser les perturbateurs endocriniens dans l’environnement des plus jeunes… Chaque année, Aude propose un événement rassembleur pour favoriser les échanges : l’exposome, la santé environnement en période de covid, les ondes électromagnétiques, l’éco-anxiété, la santé planétaire et cette année l’Urbanisme Favorable à la Santé sont autant de thèmes qui ont favorisé l’émergence d’une dynamique de réseau.
« Avoir dédié un poste à cette coordination permet clairement de construire une véritable stratégie en santé-environnement. Nous sommes passés de 30 participants la première année à 130 cette année, » précise Aude. Au fil des ans, la collectivité a adhéré au Réseau français des Villes-Santé, s’est engagée dans la charte Villes et Territoires sans Perturbateurs Endocriniens et a créé une commission transversale santé.
Essaimer dans la collectivité
Aude Thomet continue de faire bouger les lignes et décline désormais les projets sous un nouvel angle. « Il s’agit de continuer à articuler la santé-environnement aux autres plans ou programmes sectoriels » analyse t-elle. Pour elle, c’est le grand challenge : la santé environnementale s’avère sans limite, par essence. Les conditions de logement, les mobilités, l’environnement jouent en effet un rôle fondamental et les collectivités ont en main d’importants leviers dans ces domaines pour organiser un cadre de vie plus favorable.
La santé-environnement s’invite désormais dans les marchés publics, dans les documents cadres et les feuilles de route : le Plan Climat-Air-Energie Territorial (PCAET*Plan Climat Air énergie Territoriale), le PAT*Plans Alimentaires Territoriaux, le PLUi, ou encore le plan Canopée.
La Recherche pour éclairer l’action publique
« La question de la santé et des déterminants de santé permet d’amender, au fond, toutes les politiques publiques. Nous avons dépassé l’idée d’une santé curative. C’est le point fort. Nous innovons aujourd’hui en proposant des actions de recherche interventionnelle. Nous avons par exemple rejoint le projet InOV One City porté par les laboratoires EBI et Ruralités de l’université de Poitiers en partenariat avec Grand Poitiers, le CHU*Centre Hospitalier Universitaire, la LPO*Ligue de Protection des Oiseaux et Vienne Nature. Il s’agit d’identifier, de cartographier et de comprendre l’impact des îlots de chaleurs urbain sur le vivant, notamment sur la santé humaine physique et mentale »
Aude Thomet est persuadée que la recherche peut éclairer l’action publique : « Ces travaux permettront d’adapter notre territoire, de se poser les bonnes questions sur les futures formes d’habitat. L’Urbanisme Favorable à la Santé est un vrai levier pour parler de tout ça. Nous avons commencé sur Poitiers à distiller la notion de santé-environnement à travers des actions individuelles et la promotion des éco-gestes ; désormais, nous évoluons vers l’intégration de la promotion de la santé environnementale dans les politiques publiques plurisectorielles. C’est, je crois, une bonne réponse aux futurs défis ».
Vous souhaitez en savoir plus sur cette thématique ?
Consultez le site Agir-ese.org, des ressources pour agir en Éducation et promotion de la Santé-Environnement.
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