Sols, nature, jardins

Crystèle Ferjou, pionnière de l’école dehors

Publié le 08 Mars 2024
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Crystèle Ferjou accompagne les pratiques régulières de classe dehors

Sa première expérience d’école en pleine nature remonte à 2010. Un épiphénomène que la crise sanitaire a fait sortir de l’ombre. Alors enseignante dans les Deux-Sèvres, Crystèle Ferjou emmène toutes les semaines ses élèves dehors. Conquise par ce concept, observant des progrès étonnants, un bien être retrouvé, elle n’en démord plus : la nature doit vraiment reprendre une place centrale dans l’éducation. Portrait d’une pionnière de l’éducation nature en France.

C’est une petite révolution qui se joue à l’école. Depuis la fin du premier confinement, la pratique de la classe dehors a acquis soudainement une visibilité médiatique. Fin avril 2021, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a encouragé pour la première fois les classes en plein air, en reconnaissant leurs bienfaits éducatifs et sanitaires, suite à la crise sanitaire. Crystèle Ferjou était prête depuis bien longtemps, initiant des projets de jardin pédagogique, de cabane, de plantation d’arbres puis une pratique régulière de la classe dehors depuis 2010.

Aujourd’hui conseillère pédagogique départementale spécialisée en arts plastiques, elle accompagne les pratiques régulières de classe dehors avec des formations via le réseau GRAINE Poitou Charente et le plan de formation départemental. Elle est également co-auteure du livre « Emmenez les enfants dehors » avec Moïna Fauchier-Delavigne, et également auteure de deux ouvrages pédagogiques sur le sujet, édités chez Hachette éducation.

« Je suis née avec ce besoin de nature, j’aime être dehors et j’ai cherché comment agir au niveau de ma pratique de classe et de ma vie professionnelle » précise-t-elle. « C’est un film documentaire qui m’a conforté dans cette envie : « Bébé », produit par Alain Chabat. C’est l’histoire de 4 bébés que l’on voit grandir pendant 18 mois dans 4 pays aussi différents que le Japon, la Mongolie, les États-Unis et la Namibie, où l’on passe d’un environnement presque aseptisé à des enfants en pleine liberté au sein de la nature. En parallèle, les enfants que j’accueillais dans ma classe avaient peu, voire pas d’expériences de nature. Il m’est apparu évident que l’école avait un rôle à jouer pour cultiver ce lien à la nature, une prise de conscience, une attention au monde, en reconnaissant le vivant. »

Des bienfaits sur la santé de l’enfant

Depuis quelques décennies, de nombreuses études identifient les vertus de ce contact avec la nature. « Diverses disciplines s’y intéressent : des sociologues, chercheurs en sciences de l’éducation, neuropsychologues, géographes, que ce soit aux États-Unis, ou dans les pays du Nord. C’est le cas des Forest Schools en Suède dont les études ont montré que les enfants y sont plus résistants, moins malade. Une autre étude prouve qu’une exposition à la lumière naturelle est protectrice contre l’apparition de la myopie… En France, ce champ d’étude se solidifie aussi. Les enseignants rapportent des bienfaits par rapports à la motricité, à la coopération, au développement du langage, à l’autonomie, à la confiance, la concentration. Dans les témoignages, la notion de plaisir à l’école est plus forte. Le climat des classes est plus serein » détaille Crystèle.

Elle même accompagne une action de recherche participative « Grandir avec la nature » impulsée par le réseau national d’éducation à l’environnement FRENE, encadrée en Poitou-Charentes par la chercheuse Aurélie ZWANG, sur les impacts de la classe nature chez les élèves, qui permet de corroborer les résultats des études anglo-saxonnes sur les effets positifs de l’école dehors.

« Pour moi, le corps y est central. Les enfants apprennent en mouvement, deviennent plus agiles. Il y a plus de jeux possibles, donc plus d’imaginaire possible. Ce ne sont pas les mêmes expériences phy­siques que dans un gymnase. Le dehors révèle autre chose en sollicitant tous les sens. »

« Faire école dehors » dans la pratique, c’est quoi ?

Plus de 300 écoles de l’académie de Poitiers prennent régulièrement la clé des champs, soit plus de 600 classes de la maternelle au collège et près de 14 000 élèves qui bénéficient de ce dispositif dans le courant de l’année scolaire. « Cela veut dire qu’une matinée par semaine, on n’est pas entre les murs mais en classe dehors, dans un lieu que l’on a choisi et qui reste le même. Cela reste une pratique volontaire, un choix pédagogique de l’enseignant » précise Crystèle. Des formations émergent via des partenariats entre l’Éducation nationale, des associations environnementales et d’éducation populaire.

La clé, pour Crystèle Ferjou, c’est d’avoir des personnes ressources un peu partout en France qui puissent accompagner les enseignants pour les aider à commencer à sortir. Elle même propose cet accompagnement à l’enseignement en extérieur et les demandes ne cessent d’affluer. Un signe encourageant. La révolution verte est en marche dans les écoles…

Pour aller plus loin :

Page Classe Dehors et Programme de formations Classe Dehors organisées par le Graine Poitou Charentes.

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