Risques émergents

Eco-anxiété, solastalgie, quelles réponses aux futurs maux du siècle ?

Publié le 07 Octobre 2022
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Chacun peut trouver son chemin, il y a autant de solutions pour apprivoiser et dépasser l’éco-anxiété que d’éco-anxieux » Alice Desbiolles @ Graine Nouvelle-Aquitaine

Sentiment d’impuissance, de perte de sens, voire d’angoisse face aux désordres environnementaux et leurs conséquences ? Vous souffrez peut-être de solastalgie ou d’éco-anxiété. Le sujet semble émerger comme un nouvel enjeu de santé publique. Le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) et la Ville De Poitiers ont organisé le 24 juin une journée de conférence et d’animations sur l’éco-anxiété, animée par Alice Desbiolles, médecin en santé publique et épidémiologiste.

L’éco-anxiété ? Le mot rassemble « tout un panel d’émotions et de questionnements qui résultent d’une anxiété anticipatoire en lien avec une peur de l’avenir, potentiellement compromis notamment au travers des rapports et prévisions du GIEC» : voici la définition de notre sujet par Alice Desbiolles, également autrice de « L’éco-anxiété, Vivre sereinement dans un monde abîmé » (Fayard, septembre 2020) avant de poursuivre : «  C’est en quelque sorte un nouveau rapport au monde, une perception inquiète du futur qui existait déjà sous la notion de solastalgie. Ce néologisme a été développé en 2007 par Glenn Albrecht – philosophe australien de l’environnement, et fait référence à la souffrance psychique qu’un individu peut ressentir face à la destruction lente mais chronique des éléments familiers de son environnement. Les deux notions ont des similitudes mais alors que l’éco-anxiété est tournée vers l’avenir – puisqu’il s’agit d’une angoisse anticipatoire – la solastalgie est ancrée dans le passé, car elle correspond à une forme de nostalgie. » 

Quels sont les effets ? Et les solutions ? 

Tout d’abord, il n’y a pas de prédisposition à l’éco-anxiété et celle-ci n’est pas considérée comme une pathologie mentale en soi, mais peut tout de même le devenir en cas de souffrance morale avec des symptômes dépressifs, par exemple. Finalement ceux qui s’en défendent se tournent vers le déni pour laisser à distance tous ces enjeux : un déni simple avec le refus des faits (les climato-sceptiques…), ou un déni modéré (c’est pas si tragique finalement). Quant aux effets, comme le mentionne Alice Desbiolles : « c’est une crise qui nous atteint à travers 4 dimensions : psycho-somatique (trouble du sommeil, tristesse, colère, culpabilité…), cognitive (le sentiment d’urgence est validé par des scientifiques), émotionnelle (la peur, le stress entrainent différentes modalités de réaction : combat, fuite, tétanisation) et puis il y a la dernière dimension, existentielle qui est la clé, la solution pour dépasser tout ça. » Car finalement, être touché par l’éco-anxiété n’est pas si négatif à condition de la canaliser et de la transcender : « c’est une forme de sagesse, de philosophie du quotidien qui génère des questionnements très utiles : comment habiter le monde, se déplacer, se divertir, se vêtir, faut-il ou non avoir un enfant… Il est important de proposer des pistes d’actions, des perspectives. La voie de la « guérison » passe par une volonté d’actions locales. C’est très sain, c’est une opportunité pour changer les paradigmes de santé, en replaçant le pouvoir d’agir individuellement et collectivement.  Chacun peut trouver son chemin, il y a autant de solutions pour apprivoiser et dépasser l’éco-anxiété que d’éco-anxieux, » précise Alice Desbiolles. 

Une centaine de professionnels (médecins, écologues, personnels de l’office de tourisme, de la ville, du monde associatif) ont suivi la conférence qui a suscité de nombreuses questions. Une fresque a été réalisée en direct par une facilitatrice graphique, Philine Bellenoue, « afin de proposer ce support lors d’autres animations/évènements comme un outil de sensibilisation. Nous avons quelques pistes : exposition pendant les Semaines d’info santé mentale dont la thématique est santé mentale et environnement ou bien lors d’ateliers fresques du climat… » souligne Aude Thomet, chargée de mission Prévention et Education à la santé à la ville de Poitiers. L’après-midi, des ateliers (Equithérapie, médiation animale, sylvothérapie, aromathérapie, marche nordique, parcours sensoriel…) permettant de réduire son éco-anxiété dans un cadre naturel étaient proposés aux participants. La journée, organisée au Bois de Saint-Pierre en partenariat avec le CHU de Poitiers, le CH Henri Laborit, le CPIE Seuil du Poitou, l’IREPS Nouvelle-Aquitaine, la Mutualité Française Nouvelle-Aquitaine et le RPNA, avec le soutien de l’ARS Nouvelle-Aquitaine, dans le cadre du PRSE NA et du Contrat local de Santé, avait pour objectif d’acculturer les professionnels du territoire à la santé-environnement et aux risques émergents.  

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