Risques émergents

Une Matinée pour comprendre les nanomatériaux

Publié le 15 Janvier 2016
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Cédric Brun, philosophe, Hervé Cazenabe, directeur de GRAINE Aquitaine et Alain Garrigou, chercheur© GRAINE Aquitaine

Aujourd’hui, on mange «nano», on se maquille «nano», on s’habille «nano», on construit «nano», on jardine «nano »… Mais que sait-on des risques pour la santé et l’environnement ? Pour leur 3ème conférence dans le cadre des Matinées du jeudi, GRAINE Aquitaine et l’IREPS Aquitaine ont invité en octobre dernier un chercheur et un philosophe pour aborder cette question, à la Maison Ecocitoyenne de Bordeaux.

Incertitude, tel est le maître mot sur l’impact des nanomatériaux sur la santé humaine. Des millions de tonnes de nanomatériaux, aux propriétés exceptionnelles obtenues à cette échelle nanométrique (1 nanométre = 1 millionème de millimètre) sont fabriqués chaque jour pour des produits de la vie quotidienne. Grâce aux « nanos », on ne transpire plus dans ses chaussettes, on glisse mieux sur ses skis, les emballages plus résistants, les gilets pare-balles deviennent intelligents… L’inventaire des champs d’innovation rime avec « méga promesses ». Mais si le potentiel d’application est énorme et incroyablement varié, que sait-on des effets sur la santé ?

« Nous avons peu de recul, souligne Alain Garrigou, professeur des universités en ergonomie à l’IUT de Bordeaux, Département Hygiène, Sécurité & Environnement. Il existe des effets sur la santé, encore faut-il pouvoir mesurer les expositions pour analyser… Aujourd’hui, il existe un réel décalage entre la production de connaissances et les avancées technologiques. Des expériences in vivo chez le rat ont montré que les nanoparticules peuvent provoquer des effets sur les cellules avec des processus inflammatoires et cancérigènes similaires à l’amiante. On suspecte fortement des risques mais la production des connaissances sur les effets est en cours. » Quant aux normes et aux réglementations, elles sont encore en préparation…

« Comment nous, citoyens, pouvons-nous être des acteurs dans l’orientation des choix », interroge alors le philosophe Cédric Brun, directeur du département de philosophie à l’université de Bordeaux Montaigne. Revenant sur l’historique de l’entrée des nanomatériaux dans notre monde quotidien, il rappelle que « les nanosciences se sont développées en décalage entre la recherche, l’innovation et le débat public. Ce qui a compté, c’est évidemment l’innovation, avec des impacts économiques colossaux. Des questions peuvent se poser : les nanotechnologies sont-elles neutres, ont-elles un usage pertinent ? Or, les débats citoyens sur l’orientation de la recherche n’ont pas lieu. Une réflexion éthique doit se tenir au niveau de la cité et des citoyens. Il s’agit de construire la prise en main politique de ces enjeux technoscientifiques. » Reste donc à porter au débat public la question des limites à définir quant à la diffusion de ces nanoproduits.

 

Lien vers le podcast de la conférence : www.graine-aquitaine.org

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